Intervention de Yves AUREGAN sur le projet de parking silo place Académie à Angers, Conseil d'agglomération du 9 mai 2022
Je voudrais commencer, une fois n'est pas coutume, par féliciter ALM pour la reconnaissance d'Angers-Loire-Métropole par la Commission européenne comme ville pionnière pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2030.
La neutralité climatique qu’est ce que ça veut dire ?
Ça signifie une ville plus apaisée presque sans voiture thermique, avec des modes doux prépondérants, des petites navettes électriques qui sillonneront l’Agglo pour transporter les gens…
Ça signifie des logements bien isolés voire à énergie positive, des logements qui deviendront des puits de carbone en utilisant des matériaux biosourcés.
Ça signifie un air qui sera beaucoup moins pollué notamment par les particules fines.
Ça signifie une alimentation plus saine avec moins de viande, issue majoritairement de la production locale de qualité. Ça veut dire aussi une eau plus saine et moins polluée. Ça veut dire presque plus d’emballage plastique, des produits servis en vrac et moins de déchets. Ça veut dire une industrie décarbonée et relocalisée qui se tournera aussi vers la réparation et le réemploi.
Tout ça dans 8 ans. C’est merveilleux. J’ai par conséquent statistiquement plus de chance de le voir de mon vivant que si on l’atteint en 2050 comme c’était prévu.
C'est bien mais il va falloir se retrousser les manches pour atteindre ce nouvel objectif.
La neutralité climatique c’est que les émissions de GES sur ALM soit compensé par les puits de carbone (en 2018 émissions 1268 kTeqCO2, puits de carbone 47 kTeqCO2, diminution de 96% par rapport à aujourd’hui). En effet, cette métamorphose d'ALM, que nous avions voté, il y a quelques mois, pour 2050, doit maintenant être réalisée pour 2030 au moins en très grande partie, afin de ne pas être ridicule face à l'Europe et à des villes déjà bien avancées sur ce chemin.
ALM doit donc être une pionnière de la neutralité climatique. Donc, nous avons maintenant 8 ans au lieu de 28 ans pour faire tous les changements nécessaires. C’est donc un vrai défi qui nous attend et qu’il faut relever sans tarder. Cet objectif nous fait passer en hyper-urgence climatique.
Et c'est à l'aune de cette situation que nous devons juger les projets, dont celui qui nous est proposé ce soir pour un nouveau parking en face du château.
Ce parking, c’est un débat Angevino-Angevin mais qui a des implications sur les mobilités au sein d’ALM. Comme le dit Monsieur Béchu : « On va recommencer le même débat qui aura les mêmes conclusions ». Ce n’est pas très respectueux de l’idée de démocratie qui implique le débat et qui peut même arriver à des compromis.
Sur ce projet de parking, la vision est assez dogmatique : On est loin des déclarations de juillet 2020 quand Monsieur Béchu disait : « Nous avons une certitude, c’est que la place Kennedy va devenir piétonne. Pour le reste, nous avançons avec une énorme humilité. [...] Ce projet de parking nous pensons que c’est un scénario raisonnable. Est-ce que c’est celui qui sera retenu in fine ? On le met sur la table de l’étude et de la concertation qui s’en suivra ».
Maintenant la vision est assez dogmatique et le discours est : « C’était dans le programme pour les municipales, donc c’est comme ça on n’en discute plus la pertinence. On peut éventuellement discuter de la couleur des murs … ».
C’est une façon de faire de la politique. Il y en a d’autres, plus participatives.
Les choses ont évolué depuis la rédaction du programme (épidémie de COVID, les alertes de plus en plus fortes sur le climat et la biodiversité, la situation géopolitique, la situation politique a aussi changé et changera peut-être encore « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ! » …), redemander l’avis des angevins sur leurs priorités régulièrement n’est pas un reniement, s’adapter aux circonstances n’est pas un reniement. D’ailleurs vous l’avez fait. Dans vos 10 premiers engagements, il y avait : « Faire de l’hôtel de la Godeline une salle de bal et de danse ». Les circonstances ont fait que l’hôtel de la Godeline a été utilisé comme centre de dépistage du COVID. Personne ne vous en a voulu.
Pour revenir à ce projet particulier, pour procéder à la piétonnisation et au réaménagement des places Académie et Kennedy, 187 places de stationnement vont être supprimées plus quelques autres (Toussaint, cathédrale). Bien sûr, nous approuvons l’idée de donner plus de places aux piétons et de diminuer la place occupée par les stationnements.
La question posée est : Est-ce que ces suppressions doivent être compensées ou non ? D’autres solutions existent. Déjà dans le quartier de la Blancheraie, il y a actuellement des places libres, il y a, pas loin, les parkings de la gare qui sont loin d’être saturés et des parkings relais.
Les solutions d’évitement de cette construction n’ont pas été étudiées.
Nous pensons que ce projet va à l’encontre des objectifs de réduction des gaz à effet de serre en favorisant l’utilisation de la voiture individuelle qui doit être limitée aujourd’hui pour tenir nos objectifs.
Ce projet nous fait entrer dans la spirale infernale de la voiture qui a conduit l’aménagement de nos villes jusqu’à ce jour : plus on fait des parkings et des routes, plus il y a de voitures et moins on s’en sort de la dépendance à la voiture individuelle. C’est une drogue dure dont il faut se désintoxiquer rapidement. On sait que ce n’est pas facile mais c’est nécessaire. Il faut changer de paradigme.
En plus, ce parking a le mauvais gout d’avoir sa sortie juste devant une école maternelle et primaire. A juste titre certain s’inquiètent de la qualité de l’air qui sera dégradée par le passage de véhicules. Une mauvaise qualité de l’air est particulièrement préjudiciable aux jeunes enfants et je rappelle que la qualité de l’air est souvent moyenne à Angers. Depuis que l’on a inclus les particules fines dans les mesures début 2021, Air PdL dit qu’il n’y a eu que 8 jours où la qualité de l’air a été bonne à Angers.
Un autre argument utilisé est la réversibilité de ce parking. Nous sommes tout à fait pour mais nous proposons de l’inverser. On pourrait construire des logements que l’on transformera en parking si on ne trouve pas à louer ou à vendre ou si la demande de parking devient trop forte.
Enfin et pour conclure, nous sommes surpris de ne trouver, à l’appui des documents du projet, aucune allusion à une quelconque évaluation environnementale.
Conformément au droit européen et au Code de l’environnement (articles L.122-1 et R122-2), il faudra au minimum demander à l’autorité environnementale si ce projet de parking doit faire l’objet ou non d’une évaluation environnementale (il entre dans le cadre des examens au cas par cas).
Nous demandons d’aller un peu plus loin, au regard des critiques environnementales qu’il soulève (avis de la sauvegarde, collectif opposé au parking). Il nous paraît judicieux et nécessaire que vous demandiez à Alter Services de réaliser une évaluation environnementale documentée et exhaustive de sa propre initiative et de la présenter pour avis à l’Autorité Environnementale.
Cela permettrait de montrer aux angevins votre réel intérêt pour l’hyper-urgence climatique et votre souci de préserver leur environnement et l’air qu’ils respirent.
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