Intervention d'Yves AUREGAN au Conseil de communauté Angers Loire Métropole le 12 Octobre 2020.
Nous apprécions la volonté d’associer un maximum d’acteurs à la définition d’un pacte entre les paysans du territoire et les habitants. Car c’est de cela dont nous avons besoin : un véritable pacte entre les villes et les acteurs du système alimentaire territorial : les agriculteurs, les transformateurs, les distributeurs et les consommateurs. Il existe déjà un véritable tissu d’initiatives remarquables sur le territoire (tous les niveaux : production, distribution, réduction des déchets, …).
En effet, l’alimentation est une chose trop vitale pour la laisser à la seule « main invisible du marché ». En cas de crise sévère, il est vraiment indispensable que les circuits alimentaires soient résilients. A ce titre, il est fort inquiétant que seule 6,5% de la nourriture consommée par les Angevins provienne du territoire. Même l’objectif de doubler cette autonomie semble un peu faible.
Les lois du marché appliquées à l’agriculture ont conduit à une véritable impasse pour les agriculteurs (plus de deux suicides par jour, selon la Mutualité sociale agricole). Pour les consommateurs, cela s’est soldé par une perte de la qualité des produits conduisant globalement à des produits moins bons au gout et moins bons pour la santé : plus transformés, plus salés, plus gras, plus sucré. Et ce surtout pour les personnes aux revenus les plus modestes.
Et enfin, les lois du marché ont aussi conduit à un vrai problème environnemental : perte de la biodiversité (disparition de 67% des insectes dans les prairies entrainant une diminution du nombre d’oiseaux), forte émission de gaz à effet de serre (30 % des GES en France sont liés à l’agriculture), mauvaise qualité de l’eau (5,7 % des masses d'eau du Maine et Loire qualifiées « en bon état »). La collectivité doit donc reprendre en main urgemment cette question.
C’est pourquoi une transformation radicale (prenant le problème à la racine) et urgente du modèle alimentaire est à faire au bénéfice de tous (du monde agricole jusqu’aux consommateurs). Et un certain nombre de pistes sont esquissées dans le plan que vous avez présenté.
Il faut être très clair : C’est l’agriculture biologique qui est la forme d’agriculture qui se rapproche le plus d’une agroécologie idéale. Il faut donc la promouvoir et la soutenir fortement. Pourquoi faire autant la promotion du nouveau label à « Haute Valeur Environnementale » qui prête à confusion et ne donne pas d’assurance de qualité ? L’agriculture biologique est reconnue et appréciée des consommateurs. Il faut donc focaliser les aides sur ce type d’agriculture : inciter financièrement à l’installation de jeunes en Bio, aider aux conversions en Bio et aider au maintien en Bio puisque le gouvernement et la Région ont détricoté ces aides.
Pour cela il faut un budget. C’est un des problèmes du plan tel qu’il est présenté. On n’a aucune idée du budget qui sera accordé à cette transformation alimentaire. Est-on sur des budgets de l’ordre de 10 k€ ou de 100 M€ ?
Avant de commencer à discuter avec les acteurs, ce serait important d’avoir l’ordre de grandeur de l’importance financière qu’ALM accorde à cette question. Nous trouverions juste et solidaire qu’une partie de nos impôts serve à rémunérer des agriculteurs droits dans leurs bottes, fiers de faire de bons produits, des produits accessibles à tous parce que vendus pas trop cher et des agriculteurs a qui on assure un revenu juste.
Hormis ce budget et un calendrier d’actions concrètes, nous trouvons aussi qu’il manque un volet « eau » à ce plan alimentaire territorial. Nous savons pourtant que l’eau, en période de bouleversement climatique, sera un problème pour tous. L’agriculture est au cœur de ces enjeux. En partie responsable, elle est aussi victime des changements climatiques avec notamment un risque de sécheresse à répétition. Comment gère t’on cela ?
L’agriculture est aussi centrale pour rétablir la qualité de l’eau en baissant les concentrations de polluants dans les rivières et les nappes phréatiques, ces polluants qui proviennent majoritairement de produits épandus dans les champs. Pas d’objectifs fixés par ce plan qui visent à une réduction des pollutions de l’eau pas plus qu’à la réduction des gaz à effet de serre. Il y a une urgence sur ces deux sujets. Par exemple, sur les émissions de GES un objectif de réduction à 60 % vient d’être décidé par le parlement européen. Quelles actions concrètes vont être mises en place en 2021 pour atteindre cet objectif (-6% par an) pour l’agriculture sur notre territoire ?
Comme vous pouvez le comprendre cette politique alimentaire d’Angers Loire Métropole nous est particulièrement importante. C’est un élément essentiel pour réussir une transition écologique, juste et solidaire et assurer la résilience du territoire. C’est pourquoi nous serons impliqués dans les discussions sur ce projet dans le cadre des « assises de la transition écologique ». Avec des propositions :
• Sur l’accès au foncier pour les jeunes agriculteurs,
• Sur les aides à la conversion Bio,
• Sur des aides pour les services environnementaux rendus par les paysans,
• Sur la valorisation des métiers agricoles,
• Sur l’éducation des enfants à ces enjeux au travers de jardins dans les écoles,
• Etc.
Ce qui ne nous empêche pas d’être inquiet :
Quand on regarde les actions prévues pour 2020-2021, on voit surtout des études, des concertations mais très peu d’actions concrètes et il n’a pas de budget.
Par contre quand on regarde les actions concrètes de notre collectivité, on constate qu’elles vont directement dans le sens contraire des belles intentions inscrites dans le Projet Alimentaire Territorial. Je pense ici aux délibérations qui seront présentées tout à l’heure par Roch Brancour sur l’aménagement du secteur de la Baratonnière à Avrillé. Là, c’est du concret il y a un budget et c’est la disparition à très court terme de 16 hectares de terres agricoles.
Pour conclure, nous serons très attentifs à ce Projet Alimentaire Territorial pour qu’il aille très rapidement et très massivement dans le sens d’une alimentation plus saine, locale et pour tous et provenant d’une agriculture respectueuse de l’environnement.
Délibération 3 - Projet Alimentaire d'Angers Loire Métropole - Ambitions et orientations - Programme d'actions 2020/2021 (DEL-2020-221).
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