Intervention d'Elsa RICHARD - Conseil municipal du 25 janvier 2021
Nous avons eu l’occasion d’évoquer ce projet de la place Kennedy à plusieurs reprises déjà. Projet d’ampleur : vitrine touristique d’Angers, carrefour de circulation, site patrimonial, lieu de travail et de vie… Cet aménagement sera parmi les grands aménagements de ce mandat.
Il nous semble ainsi important de veiller collectivement à ce qu’il réponde aux besoins actuels et futurs et qu’il contribue à améliorer le fonctionnement écologique et économique de notre territoire. Vous nous demandez ce soir de nous prononcer sur deux points importants : les objectifs poursuivis à travers cet aménagement d’une part, et les modalités de la concertation d’autre part.
Concernant les objectifs poursuivis, nous ne pouvons que les partager, tant leur écriture est très ouverte. Qui serait contre la mise en valeur paysagère et architectural de cet espace emblématique ? Qui, aujourd’hui, serait contre donner davantage de place au végétal et aux piétons ? Qui serait contre le fait de sécuriser la traversée de ce carrefour dangereux ?
Vous nous avez indiqué en commission qu’hormis la décision de supprimer les places de stationnement place Kennedy et de construire un parking dans la partie arrière de la caserne, tout restait ouvert, et que ce seront les résultats du diagnostic de l’étude qui permettront de prendre les orientations d’aménagment.
Mais vous conviendrez qu’il serait malhonnête de laisser croire qu’il puisse y avoir une décision objective qui ressortirait du diagnostic, comme s’il pouvait exister un unique bon aménagement. Aussi créatif et ingénieux que soit le cabinet Jacqueline OSTY, il ne pourra faire fi des choix d’aménagement qui sont ou seront pris à d’autres échelles ou sur d’autres espaces et qui auront une incidence majeure sur le fonctionnement de ces places. Par exemple : Quelle réduction du nombre de voitures visez-vous à horizon 5, 10, 15 ans à l’échelle de la ville et de l’agglomération ? Quelles solutions de déplacement pour les visiteurs au sein de notre ville ?
Et en effet, en l’état des éléments que vous avez bien voulu porter à notre connaissance, ces projets d’aménagement nous donnent l’impression que vous envisagez ces places comme des petites îles, qui s’arrêteraient à la place Kennedy et à la Place de l’Académie. Et donc, logiquement, beaucoup de questions demeurent à nos yeux sur l’articulation entre cette place et la vision d’avenir sur le fonctionnement du cœur d’Angers :
1. Le classement UNESCO c’est une augmentation estimée de 20% de la fréquentation, soit pour le château d’Angers une hausse probable de + 50 000 visiteurs/an. Nous nous en réjouissons, notamment dans le contexte que l’on connait pour les acteurs de ce secteur ainsi que pour la reconnaissance même de notre patrimoine d’exception. Mais nous devons l’anticiper. Ce n’est pas quelques dizaines de places de parking qui répondront à la demande si rien ne change par ailleurs. Nous avons l’impression d’un impensé dans l’acheminement des habitants, des actifs et des touristes au cœur d’Angers. D’où notre question : comment comptez-vous atteindre notamment les 2e et 5e objectifs que vous nous indiquez dans cette 1e délibération, sans un plan de déplacement ambitieux ?
L’enquête publique du PLUi a été instructive sur ce point. Plusieurs avis convergent sur le constat d’un maintien voire d’une facilitation observée dans le cadre du PLUi en faveur de la voiture individuelle, qui s’opposent notamment aux objectifs de lutte contre la pollution de l’air ou de réduction des émissions de GES. Ce n’est pas un parking supplémentaire dont notre ville a besoin mais d’un renforcement du réseau de bus, d’une augmentation des fréquences et d’une amélioration des dessertes et du maillage. Il doit être plus efficace de venir en transport en commun qu’en voiture si l’on veut voir s’opérer un report modal.
2. Comment comptez-vous également atteindre ces objectifs sans favoriser la venue des visiteurs en train ? La sécurisation d’un parcours piéton depuis la gare nous semblerait nécessaire en anticipation du classement UNESCO par exemple.
3. Parmi les mutations à venir sur ce secteur, vous n’évoquez pas le projet de voie pénétrante depuis la Baumette pour un accès rapide à la gare depuis la 4 voies, pourtant bien écrit dans le projet de révision du PLUi. Comment articulez-vous cet aménagement Kennedy avec ce projet de voie pénétrante ?
4. Enfin, et non des moindres, vous nous demandez de nous prononcer sur les modalités de concertation sur la place Kennedy, mais elles ne sont que peu décrites. Nous n’avons ni dates ni durées ni cibles. Or, cela pose question, notamment en période de crise sanitaire. Quid des touristes, des actifs, des étudiant.e.s, des retraités, des générations futures … l’observation des usages actuels de cette place ne donnera pas grand-chose, pas plus que l’observation de ses dysfonctionnements. Comment imaginez-vous une concertation sincère et représentative des besoins des usagers en cette période de crise sanitaire ?
En conclusion, sans un plan urbain d’ensemble cohérent, écologique et articulé avec les futurs projets de cœur de ville, nous ne comprenons pas comment l’aménagement des places Kennedy et Académie pourra atteindre les objectifs poursuivis.
On se heurte ici au saucissonnage des projets et à ses limites. Sans préciser les objectifs de réduction de la place de la voiture individuelle, sans favoriser les déplacements doux et en transports en commune, et sans un report de la concertation à un contexte hors crise sanitaire.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces votes.
Source photographie : Le Courrier de l'Ouest - 17 juillet 2020
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